Cela fait 25 ans que Tchalo et ses ébouillantés sont en moi. 25 ans que je pense à ce lieu, à cette culture et à toutes ces personnes que j’ai rencontrées. 25 ans que je voulais en raconter l’histoire, leur histoire, et les revoir. Avec le montage de l’exposition itinérante et la sortie du livre l’année passée, j’ai achevé la première partie de mon projet. Et puis il y a quelques semaines, je me suis décidé. Décidé à y retourner, décidé à les retrouver, décidé à partager avec eux mes souvenirs et découvrir ce qu’il sont devenus.
C’est donc avec un livre des ébouillantés sous le bras que je me suis mis à voyager de nouveau au cœur du Togo. Ne sachant plus comment me rendre à Tchalo, j’ai d’abord commencé par aller à Sokodé. Après avoir retrouvé mon ami Omar, que j’ai été très heureux et ému de revoir, j’ai entrepris de retourner au village des ébouillantés. Mais de tous les interlocuteurs questionnés, personne ne semblait se souvenir de ce lieu et de ses marmites. Finalement, suivant une piste de brousse dont on nous avait dit qu’elle était susceptible de nous y mener, mon chauffeur et moi sommes arrivés dans un endroit désolé, où gisaient deux marmites devant une habitation de terre battue.
Bien éloigné de mon souvenir, Tchalo n’est plus que cela. La forêt de teck coupée, les cases détruites, il ne reste aujourd’hui plus rien du village que j’ai découvert et photographié il y a 25 ans, hormis la tombe du chef de l’époque, dont j’ai appris qu’il est mort en 2007, à l’âge de 113 ans.
C’est son fils qui nous accueille. Après m’être présenté, je lui remets le livre de l’histoire de son village. D’abord surpris de recevoir un tel présent aussi longtemps après, il se met à le feuilleter avec intérêt, entouré de ses proches. En découvrant les images, ils se rappellent alors des arbres qui les entouraient, me montrent le seul encore debout de cette époque révolue, et s’attardent sur les gens du livre.
Le livre passe de mains en mains et les souvenirs remontent à la surface. L’un d’entre eux se reconnait, près de moi sur la photo de groupe. Un autre reconnait la fille de la couverture et me donne de ses nouvelles : elle s’en est sortie et vit un peu plus loin, dans la brousse. Celle attachée à l’arbre s’en est aussi sortie, elle travaille maintenant au port de Lomé. Quant à l’homme assis dans la bassine, on me dit qu’il est décédé peu après avoir repris son travail. C’est un moment vraiment émouvant pour eux comme pour moi. Tous sont très heureux et honorés que l’histoire de leur village soit ainsi retracée, car elle partait dans l’oubli. Le fils du chef me remercie, il n’avait qu’une vieille photo jaunie de son père.
Rempli de nouveaux souvenirs, je suis finalement reparti de Tchalo en leur laissant le livre feuilleté. Il appartient désormais à ce reste de village et sera utilisé dans les conseils à venir comme un objet qui raconte leur histoire et celle de tous les ébouillantés. Quant à moi, 25 ans après, je clos le dernier chapitre. La boucle est bouclée, mon histoire est enfin achevée.
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